Concert des Métaboles au musée d'Orsay - Tant d'anges sont venus ce jour - Compte-rendu
Pour ouvrir sa saison 2023-24, l’Auditorium du musée d’Orsay propose un concert de midi en rapport avec l’une de ses expositions, selon sa coutume. Pour célébrer Louis Janmot (1814-1892), le très mystique peintre lyonnais auquel est consacré en ce moment une rétrospective, il était logique de proposer un programme religieux, et comme ses toiles grouillent littéralement d’anges, l’ensemble Les Métaboles est venu interpréter le contenu de son disque The Angels enregistré en 2019 et sorti en 2021. Mais comme le CD dure à peine trois quarts d’heure, quelques pièces ont été ajoutées pour atteindre la durée habituelle des concerts du musée d’Orsay.
Par rapport au disque, trois compositeurs font donc leur entrée : Britten, son compatriote John Tavener (1944-2013) et l’Estonien Arvo Pärt, seul encore en vie. Pour autant, la langue de Shakespeare reste dominante, Pärt ayant mis en musique la traduction en anglais moderne d’une vieille prière gaélique. Ce renfort d’œuvres des XXe et XXIe siècles a pour effet d’isoler un peu plus les œuvres de Byrd, Purcell et surtout Palestrina, le Stabat Mater de ce dernier appartenant décidément à un tout autre univers esthétique, alors que les deux britanniques du XVIIe siècle sont plus faciles à rapprocher de Jonathan Harvey (1939-2012) qui domine le programme. L’exposition rapprochant notamment William Blake de Janmot, les deux ayant été peintres et poètes, la présence du poème « The Lamb » de Blake mis en musique par Tavener se justifie ainsi. A Hymn to the Virgin d’un Britten de seize ans ne permet guère de déceler la forte personnalité musicale qui allait s’affirmer quelques années plus tard.
Autrement dit, même si c’est The Deer’s Cry d’Arvo Pärt que Les Métaboles reprendront en bis à l’issue du concert, Jonathan Harvey reste le roi incontesté de ce programme. Ses œuvres prouvent à qui en douterait qu’il est encore possible à notre époque de composer une musique d’inspiration religieuse qui n’a absolument rien de passéiste. « Come Holy Ghost » commence par reprendre la mélodie grégorienne du Veni creator, mais c’est pour mieux la déformer, la diffracter entre les seize voix qui forment l’ensemble. Harvey s’emparait aussi bien de textes liturgiques que de poèmes modernes, avec des résultats toujours étonnants et beaux. Léo Warynski guide ses troupes d’une main sûre à travers les méandres de ces partitions, et peut compter sur les membres du chœur pour se changer à volonté en solistes lorsque la musique l’exige, avec au premier chef le timbre bien reconnaissable de la soprano Anne-Claire Baconnais pour ne citer qu’elle.
Le musée d’Orsay donne ainsi un superbe départ à une saison musicale placée sous le signe de la spiritualité, en relation avec Le Poème de l’âme de Louis Janmot.