Symphonie chorale

Embarquez dans une grande odyssée vocale dans laquelle les Métaboles célèbrent le chœur dans ce qu’il peut avoir de plus orchestral et de plus grandiose ! De Tallis à Filidei, l’ensemble dirigé par Léo Warynski révèle la virtuosité, la fraîcheur, l’énergie de quatre œuvres majeures qui se côtoient, se confrontent, s’inspirent, toutes reliées par l’utopie sublime d’une forme de démesure. Un éventail de voix mirifique qui se déploie du murmure à l’éclat sonore.

Co-production Cité de la Voix

SYMPHONIE CHORALE


Thomas Tallis, Spem in alium à 40 voix

Francesco FilideiTutto in una Volta

Gustav MahlerAdagietto de la Symphonie n° 5
transcription pour chœur de Gérard Pesson

Alfred SchnittkeConcerto pour chœur


Les Métaboles
Léo Warynski, direction

Dans la presse...

Un programme savamment agencé tel que Léo Warynski les affectionne.

ConcertClassic - Alain Cochard
 - Symphonie chorale

Un programme savamment agencé tel que Léo Warynski les affectionne.

ConcertClassic - Alain Cochard - Symphonie chorale

En concert comme au disque, Léo Warynski et ses Métaboles nous gâtent ! On a retrouvé le chef et ses choristes aux Rencontres musicales de Vézelay, le 25 août dernier, pour ce qui constituait leur première apparition dans le cadre de la manifestation en tant qu’ensemble associé à la Cité de la Voix (jusqu’en 2025) ; un rendez-vous d’autant plus impatiemment guetté que les Métaboles se présentaient en grand effectif dans un programme comprenant l’une des réalisations chorales les plus extraordinaires de la fin du dernier siècle : le Concerto pour chœur d’Alfred Schnittke. La partition n’aura eu que plus d’impact placée comme elle l’était au terme d’un programme (intitulé « Symphonie chorale ») savamment agencé tel que Léo Warynski les affectionne. 

Kaléidoscope d’images
 
Le motet Spem in alium à 40 voix de Thomas Tallis ouvre la soirée : prise de possession de l’immense espace de la basilique par le chœur (disposé en cercle sur la scène pour ce morceau), d’autant plus saisissante pour l’auditeur que Warynski manifeste d’emblée toute sa maîtrise d’un matériau sonore que l’oreille a la sensation de palper. Dans sa pleine expansion, comme dans son expression la plus infinitésimale : on le mesure avec le Tutto in una volta de Francesco Filidei (1973), pièce de 2020 sur un poème de Nanni Balestrini (où l’écrivain joue sur la fragmentation, le mot, la syllabe : une manière de retour, dans l’Italie des années 60, à ce que Marinetti et ses compères futuristes (1) ont offert avant la première guerre mondiale, en revendiquant une démarche non moins anti-bourgeoise) au cours de laquelle, selon Filidei, la musique accompagne le texte « en enchaînant des séries d’accords qui font muter légèrement la couleur à chaque instant dans un kaléidoscope d’images. » Processus que Warynski et ses choristes traduisent et poétisent avec un confondant art de la nuance infime ... du presque-rien ...
 
Mahler métamorphosé par Gérard Pesson
 
Changement de climat avec la transcription par Gérard Pesson du fameux Adagietto de la 5èmeSymphonie de Mahler. Il s’agit ici pour le chef des Métaboles de pétrir à pleines mains le matériau d’une transcription dans laquelle Pesson prend appui sur des extraits (choisis par Martin Kaltenecker) des Sonnets vénitiens et du Journal de 1824 d’August von Platen. Véritable prouesse que le passage de l’orchestre à l’univers choral, accompli avec un extraordinaire sens des timbres : la pièce prend place très haut dans la liste des transcriptions de l’orchestre vers le chœur. Irisations des pupitres féminins, abyssale profondeur des basses, souplesse et densité sans lourdeur de la masse chorale ... L’illusion est d’autant plus parfaite que Warynski a, on le sait, un goût prononcé pour de tels arrangements et peut compter sur les interventions de solistes admirables : Anne-Laure Hulin (sop.), Laura Muller (alto), Marco van Baaren (ténor).
Sa réussite tient aussi à sa profonde attention au sens des mots ; ceux de Von Platen en l’occurrence, poète homosexuel allemand réfugié à Venise au début du siècle romantique ; plus loin ceux du moine, mystique et compositeur arménien du Xe siècle Grégoire de Narek – des extraits de son Livre des lamentations.
 
Glaise humaine et quête d’absolu
 
De cet ouvrage (traduit en russe par les soins de Naum Grebnev), Alfred Schnittke, converti au christianisme en 1982, tira quatre fragments et se plongea entre 1984 et 1985 dans la rédaction du Concerto pour chœur. 49 chanteurs, une partition pour formation mixte à seize parties : un architecte des sons particulièrement aguerri est impérativement requis pour se confronter à pareil monument. On le tient – et de quel ordre ! – avec Léo Warynski. Des moments spectaculaires, le Concerto n’en manque pas et le chef, suivi par des chanteurs d’une justesse d’intonation irréprochable d’un bout à l’autre, sait les mettre en relief. Reste que la force d’émotion de son approche tient d’abord, on y revient, à sa capacité à toujours ancrer sa lecture dans les mots.
La richesse poétique et spirituelle des écrits de Grégoire de Narek, le guide continûment. « J’ai écrit pour justes et les pêcheurs [...], pour les opprimés et les grands princes » ... Rien de désincarné, mais tout au contraire un mélange de glaise humaine et de quête d’absolu auquel Schnittke s’identifie totalement au fil d’une composition inscrite dans la grande tradition de la musique orthodoxe russe – dans le droit fil de la Liturgie de Tchaïkovski et des Vêpres de Rachmaninov. Une expérience proprement bouleversante, à laquelle trois solistes admirables ont apporté une contribution particulière : Maya Villanueva (sop.), Marco Van Baaren (ténor) et Guillaume Olry (basse).
Exactement contemporain du Concerto pour chœur, le deuxième des trois Hymnes sacrés de Schnittke proposé en bis achève de combler l’auditoire, totalement conquis. Une soirée inscrite dans les annales des Rencontres musicales de Vézelay. Formons le vœu que les Métaboles nous offrent un jour, proche on l’espère, un enregistrement du Concerto pour chœur ...

Un programme savamment agencé tel que Léo Warynski les affectionne.

ConcertClassic - Alain Cochard
 - Symphonie chorale

Un programme savamment agencé tel que Léo Warynski les affectionne.

ConcertClassic - Alain Cochard - Symphonie chorale

En concert comme au disque, Léo Warynski et ses Métaboles nous gâtent ! On a retrouvé le chef et ses choristes aux Rencontres musicales de Vézelay, le 25 août dernier, pour ce qui constituait leur première apparition dans le cadre de la manifestation en tant qu’ensemble associé à la Cité de la Voix (jusqu’en 2025) ; un rendez-vous d’autant plus impatiemment guetté que les Métaboles se présentaient en grand effectif dans un programme comprenant l’une des réalisations chorales les plus extraordinaires de la fin du dernier siècle : le Concerto pour chœur d’Alfred Schnittke. La partition n’aura eu que plus d’impact placée comme elle l’était au terme d’un programme (intitulé « Symphonie chorale ») savamment agencé tel que Léo Warynski les affectionne. 

Kaléidoscope d’images
 
Le motet Spem in alium à 40 voix de Thomas Tallis ouvre la soirée : prise de possession de l’immense espace de la basilique par le chœur (disposé en cercle sur la scène pour ce morceau), d’autant plus saisissante pour l’auditeur que Warynski manifeste d’emblée toute sa maîtrise d’un matériau sonore que l’oreille a la sensation de palper. Dans sa pleine expansion, comme dans son expression la plus infinitésimale : on le mesure avec le Tutto in una volta de Francesco Filidei (1973), pièce de 2020 sur un poème de Nanni Balestrini (où l’écrivain joue sur la fragmentation, le mot, la syllabe : une manière de retour, dans l’Italie des années 60, à ce que Marinetti et ses compères futuristes (1) ont offert avant la première guerre mondiale, en revendiquant une démarche non moins anti-bourgeoise) au cours de laquelle, selon Filidei, la musique accompagne le texte « en enchaînant des séries d’accords qui font muter légèrement la couleur à chaque instant dans un kaléidoscope d’images. » Processus que Warynski et ses choristes traduisent et poétisent avec un confondant art de la nuance infime ... du presque-rien ...
 
Mahler métamorphosé par Gérard Pesson
 
Changement de climat avec la transcription par Gérard Pesson du fameux Adagietto de la 5èmeSymphonie de Mahler. Il s’agit ici pour le chef des Métaboles de pétrir à pleines mains le matériau d’une transcription dans laquelle Pesson prend appui sur des extraits (choisis par Martin Kaltenecker) des Sonnets vénitiens et du Journal de 1824 d’August von Platen. Véritable prouesse que le passage de l’orchestre à l’univers choral, accompli avec un extraordinaire sens des timbres : la pièce prend place très haut dans la liste des transcriptions de l’orchestre vers le chœur. Irisations des pupitres féminins, abyssale profondeur des basses, souplesse et densité sans lourdeur de la masse chorale ... L’illusion est d’autant plus parfaite que Warynski a, on le sait, un goût prononcé pour de tels arrangements et peut compter sur les interventions de solistes admirables : Anne-Laure Hulin (sop.), Laura Muller (alto), Marco van Baaren (ténor).
Sa réussite tient aussi à sa profonde attention au sens des mots ; ceux de Von Platen en l’occurrence, poète homosexuel allemand réfugié à Venise au début du siècle romantique ; plus loin ceux du moine, mystique et compositeur arménien du Xe siècle Grégoire de Narek – des extraits de son Livre des lamentations.
 
Glaise humaine et quête d’absolu
 
De cet ouvrage (traduit en russe par les soins de Naum Grebnev), Alfred Schnittke, converti au christianisme en 1982, tira quatre fragments et se plongea entre 1984 et 1985 dans la rédaction du Concerto pour chœur. 49 chanteurs, une partition pour formation mixte à seize parties : un architecte des sons particulièrement aguerri est impérativement requis pour se confronter à pareil monument. On le tient – et de quel ordre ! – avec Léo Warynski. Des moments spectaculaires, le Concerto n’en manque pas et le chef, suivi par des chanteurs d’une justesse d’intonation irréprochable d’un bout à l’autre, sait les mettre en relief. Reste que la force d’émotion de son approche tient d’abord, on y revient, à sa capacité à toujours ancrer sa lecture dans les mots.
La richesse poétique et spirituelle des écrits de Grégoire de Narek, le guide continûment. « J’ai écrit pour justes et les pêcheurs [...], pour les opprimés et les grands princes » ... Rien de désincarné, mais tout au contraire un mélange de glaise humaine et de quête d’absolu auquel Schnittke s’identifie totalement au fil d’une composition inscrite dans la grande tradition de la musique orthodoxe russe – dans le droit fil de la Liturgie de Tchaïkovski et des Vêpres de Rachmaninov. Une expérience proprement bouleversante, à laquelle trois solistes admirables ont apporté une contribution particulière : Maya Villanueva (sop.), Marco Van Baaren (ténor) et Guillaume Olry (basse).
Exactement contemporain du Concerto pour chœur, le deuxième des trois Hymnes sacrés de Schnittke proposé en bis achève de combler l’auditoire, totalement conquis. Une soirée inscrite dans les annales des Rencontres musicales de Vézelay. Formons le vœu que les Métaboles nous offrent un jour, proche on l’espère, un enregistrement du Concerto pour chœur ...

La précision de l’intonation, qualité emblématique des Métaboles

Jim Le Pariser - Gilles Charlassier
 - Symphonie chorale

La précision de l’intonation, qualité emblématique des Métaboles

Jim Le Pariser - Gilles Charlassier - Symphonie chorale

Les rencontres musicales de Vézelay, nouveaux chemins de choeurs

Creuset des Rencontres musicales de Vézelay, la Basilique Sainte-Marie-Madeleine est un écrin idéal pour les grandes formes vocales, dans des mises en espace évocatrices. Le premier concert de la résidence triennale des Métaboles au festival – où il était déjà un invité régulier – s’inscrit dans cette tradition de scénographies chorales, avec une mise en écho des répertoires et esthétiques comme aime à les imaginer Léo Warynski. Le programme s’ouvre sur un des chefs-d’oeuvre du contrepoint de la Renaissance anglaise, le motet Spem in alium de Tallis, écrit pour quarante voix. Réunis en assemblée close sur elle-même, les solistes font émerger le flux polyphonique, ondulant au gré des entrées. L’immersion de l’intelligibilité des mots dans la texture sonore n’en oublie pas pour autant la précision de l’intonation, qualité emblématique des Métaboles depuis leurs débuts, et donne à cette page hors-norme de l’époque élisabéthaine une plasticité picturale. Bien que le sens des bribes poétiques de Nanni Balestrini sur lesquelles Francesco Filidei a composé Tutto in una volta pour double choeur n’ait guère d’importance, ce tissu d’esquisses verbales constitue une trame aux confins du souffle, avec des effets percussifs feutrés, à partir duquel se développe un autre tableau mouvant de voix. Depuis les premiers accents murmurés, le tissu hybridant chant et matière vocale brute s’étoffe par strates successives jusqu’à la densité d’un climax avant de se découdre progressivement vers le silence.

Cette expérience où le geste formel et musical transforme l’abstraction du texte en un théâtre miniature est prolongée par la réécriture chorale de l’iconique Adagietto de la Symphonie n°5 de Mahler que Gérard Pesson a réalisée sur un collage de Martin Kartenecker à partir de textes de August van Platen – poète romantique redécouvert par Thomas Mann au moment où il écrivait Mort à Venise et dont les penchants esthétiques ont inspiré l’adaptation de Visconti qui a contribué à décupler la renommée de la partition de Mahler. Plus qu’une simple transcription, c’est une réinvention de la traversée poétique du mouvement symphonique, dans des pastels parfois irradiants qui rappellent également la stase du film, et s’étendent jusqu’aux limites instrumentales de la voix. Si la première intervention soliste de l’alto Laura Muller tire parti de la douceur du médium, celle, longue, d’Anne-Laure Hulin met à l’épreuve sa tessiture de soprano, sans pour autant altérer la puissance évocatrice de la pièce – qui, discutée par certains, s’inscrit néanmoins dans la poétique de la trace développée par Pesson au fil de son œuvre. Quant au Concerto pour choeur de Schnittke qui referme la soirée, cette fresque en quatre parties où les première et troisième affirment un saisissant foisonnement qui contraste avec une deuxième plus intime et une conclusion condensée, trouve dans la nef de Vézelay une magnifique caisse de résonance propice redonner à cet opus majeur du répertoire choral la place qu’il mérite dans un concert où se répondent deux piliers de la polyphonie.

Le superbe voyage dans le temps des Métaboles à Vézelay

Bachtrack - Patrice Lieberman
 - Symphonie chorale

Le superbe voyage dans le temps des Métaboles à Vézelay

Bachtrack - Patrice Lieberman - Symphonie chorale

Quelques heures après le concert exceptionnel donné par l'Ensemble Correspondances à Vault-de-Lugny, le public des Rencontres musicales de Vézelay est de retour en ce vendredi soir dans la majestueuse Basilique pour le très attendu programme donné par le chœur Les Métaboles (placé sous la direction de Léo Warynski), intitulé « Symphonie chorale » – ce qui aura certainement attisé la curiosité de plus d’un mélomane.

En fait, c’est à un voyage dans le temps que les auditeurs sont conviés, puisque c’est par l’illustre motet à 40 (!) voix Spem in alium (1570) de Thomas Tallis que s’ouvre la soirée. Les chanteurs sont ici réunis en cercle autour du chef, et on reste admiratif autant de la façon dont fuse à tout moment la musique que par la qualité de l’exécution. Le reste du programme ne fera que le confirmer : on est ici en présence d’un ensemble de première force réunissant – selon les œuvres – jusqu’à 49 chanteurs tous jeunes, parfaitement sûrs sur le plan technique autant qu’enchanteurs sur celui de la beauté et de la fraîcheur vocales. Quant à Léo Warynski, il sculpte la musique (comme il le fera tout au long de la soirée) avec un remarquable sens de la construction.

Ce tour de force de la Renaissance est suivi par une œuvre récente (2020) de Francesco Filidei (né en 1973). Composée sur un texte assez décousu, en vers très brefs du poète Nanni Balestrini, la pièce voit le compositeur italien recourir à une vaste gamme de techniques vocales, maîtrisées sans problèmes par cette excellente formation. C’est ainsi que l'ouvrage commence par une alternance d’inspirations et d’exhalaisons avant de passer à des notes tenues. Filidei a recours à une dynamique très étendue, passant du murmure à des crescendos débouchant sur une véritable houle sonore. Ici, l’intelligibilité du texte est secondaire par rapport à la liberté rythmique et à l’indépendance des voix. Cette intéressante partition se conclura comme elle avait commencé, sur un souffle. Le chef, invariablement souriant et élégant dans sa gestuelle, peut compter sur un ensemble de premier ordre, les sopranos éthérées et les mezzo-sopranos fruitées se faisant particulièrement apprécier.

Le célébrissime Adagio de la Cinquième Symphonie de Mahler n’est pas donné ici dans la transcription pour chœur bien connue de Clytus Gottwald, mais dans une version du compositeur Gérard Pesson à treize voix qui prend pour texte des poèmes et des extraits du journal du poète allemand August von Platen, rédigés à Venise – où se passe justement le film de Visconti qui a beaucoup fait pour la popularité de ce morceau. Des trois solistes, la soprano Anne-Laure Hulin est particulièrement sollicitée et s’en tire avec les honneurs, comme ses collègues Laura Muller (alto) et Marco van Baaren (ténor).

Le sommet de la soirée est atteint par le rare Concerto pour chœur (1985) d’Alfred Schnittke, écrit sur une traduction russe d’un chef-d’œuvre de la poésie arménienne médiévale, le Livre des chansons tristes du moine Grégoire de Narek. Écrite en quatre parties, cette œuvre de grandes dimensions (trois-quarts d’heure) et d’une réelle hauteur de vues n’est pas de celles qui révèlent tous leurs mystères à la première écoute. L’écriture, très dense, est parfois percée de prenants solos où s’illustrent à nouveau Marco van Baaren ainsi que la soprano Maya Villanueva et la basse Guillaume Olry.

Schnittke réussit ici l’exploit de la fidélité à la musique liturgique orthodoxe et à son style homophonique et sonore couronné de vocalises extatiques. Ce n’est cependant pas une copie servile qu’il nous propose ici dans cette partition hors du commun, mais une fascinante exploration d’une tradition, dans une œuvre qui réussit à faire aller de pair l’humilité du croyant face à la grandeur de la Création, la foi inébranlable et émerveillée comme la joie et la gratitude qui transportent le fidèle. L’ensemble s’achève sur une très belle impression de lumineuse sérénité. Le chef et son remarquable ensemble se sont impliqués totalement pour nous donner une interprétation aussi virtuose que prenante de cette partition hors du commun.

Du grand art, servi par des Métaboles en pleine forme.

Resmusica - Patrick Jézéquel
 - Symphonie chorale

Du grand art, servi par des Métaboles en pleine forme.

Resmusica - Patrick Jézéquel - Symphonie chorale

« Symphonie chorale » à Vézelay : Les Métaboles voient grand !

Après la Passion selon Saint-Matthieu, rendez-vous de nouveau à la basilique Sainte-Madeleine, dans le cadre des Rencontres musicales de Vézelay, pour une folie chorale embrassant quatre siècles de composition, avec des pièces de Thomas Tallis, Gustav Mahler transcris par Gérard Pesson, Alfred Schnittke et Francesco Filidei. Du grand art, servi par des Métaboles en pleine forme.

Très finement pensé, le programme est bâti sur des liens solides et parfois secrets. C’est ce que révèlent Léo Warynski et Guy Gosselin, réunis autour d’Emmanuelle Giulani à la traditionnelle « mise en oreille » qui précède le concert. Pont entre les époques, ce dernier dégage des connexions entre œuvres et musiciens, joués ou non ce soir : la pluralité des chœurs dans le Spem in alium (date inconnue) de Thomas Tallis (c. 1505-1585) et Tutto un una volta (2020) de Francesco Filidei (né en 1973) ; l’inspiration que ce dernier puise dans le Lux æterna de György Ligeti ; le « polystylisme » de  Gustav Mahler (1860-1911) et d’Alfred Schnittke (1934-1998), compositeurs empruntant à des sources diverses ; enfin, les multiples affinités tissées par Gérard Pesson (né en 1958) transcrivant dans Kein Deutscher Himmel (1996-1997) l’Adagietto de la Symphonie n°5 (1901-1902) de Mahler. Précisément, pour Pesson, qui, dans un entretien portant sur le travail de transcription, cite le nom de Salvatore Sciarrino, par parenthèse l’un des anciens professeurs de composition de Francesco Filidei, « un compositeur n’est jamais né sous X. ». Il ne faudrait pas oublier les racines slaves d’un chef de chœur qui au menu a inscrit comme plat de résistance le Concerto pour chœur (1984-1985) de Schnittke. Voulue comme telle par Léo Warynski, cette soirée joue ainsi sur le double tableau de l’invention et de la mémoire afin que les auditeurs vivent quelques chocs sans avoir perdu tout repère.

Les Métaboles forment un cercle complet sur la scène avant d’entonner le Spem in alium à 40 voix de Tallis. Il faut imaginer les chanteurs placés devant dos au public. Hommes et femmes alternent par petits groupes de 2 ou 3. Donc une spatialisation particulière pour un morceau qui ne l’est pas moins, écrit pour 8 chœurs et 5 voix sur des paroles latines dont l’origine est le Livre de Judith. Cette composition contrapuntique exprime une supplication adressée à Dieu, émise tout d’abord très humblement par deux sopranos et enflant progressivement en contaminant tous les registres. Une longue phrase qui s’étire, s’enrichit, se découpe et redouble en cellules rythmiques, se meurt avant d’être reprise en crescendo pour éclater en tutti sur des mots d’importance tels que Deus meus. L’auditoire se trouve enveloppé dans un long continuum en perpétuel changement et rarement interrompu. La délicatesse et la ferveur d’une telle pièce sont parfaitement rendues par les chanteurs.

De père anarchiste et de mère catholique pratiquante, Francesco Filidei, lui-même organiste notable, a donc hérité de cette double tradition, ce qui se ressent dans sa production musicale, comme ici avec Tutto in una volta – « Tout à la fois » – inspiré d’un texte du poète avant-gardiste Nanni Balestrini (1935-2019), « Ma noi facciamone un’altra » (1966), que l’on peut traduire par : « Mais essayons encore une fois ». Calquant sa composition sur un poème déstructuré qui rejette lyrisme et narration (« Il n’y a plus / De temps pour / Mais tout / En à la / Fois ce que / Nous nous sommes / Déjà dit / Comme ça sur / Le papier / Tout à / La fois…), Filidei joue sur ce qui reste, des syllabes, en plaquant « des séries d’accords qui font muter légèrement la couleur à chaque instant dans un kaléidoscope d’images. » On commence par entendre des « ah » murmurés ici et là dans tout le chœur nous faisant face, au très bel effet de bulles crevant à la surface d’une mare, puis ce qui ressemble très fortement au début du Lux aeterna de Ligeti, également chœur mixte a cappella écrit en canon et dans une micropolyphonie évoluant imperceptiblement. La vague enfle lentement, la tension baisse puis s’amorce un long decrescendo jusqu’au retour des « ah » initiaux. Il est difficile d’oublier Ligeti et d’apprécier à la même hauteur ce Tutto in una volta pourtant réussi.

La même difficulté se présente à l’oreille, fidèle mais naturellement paresseuse, à l’écoute du Kein Deutscher Himmel de Gérard Pesson, transcription de l’Adagietto de la Symphonie n°5 de Mahler : peut-elle oublier le modèle ? Mais le poil se hérisse et des picotements parcourent le corps aux premières mesures, quand résonnent piano les voix souples des altos reprises en solo tout à droite de la scène par celle très timbrée de Laura Muller. C’est beau à pleurer. Tout en respectant la partition originale, le compositeur a cherché à reproduire l’univers acoustique très riche et subtil de la lagune de Venise, non seulement grâce à la complicité de Martin Kaltenecker, qui a ajouté des extraits des Sonnets vénitiens ainsi que du Journal du poète romantique allemand August von Platen (1796-1835), mais aussi et surtout par la fine variation des timbres et le recours aux aigus extrêmes d’une soprano (Anne-Laure Hulin, magistrale) afin de contourner l’inévitable réduction de l’ambitus du chœur par rapport à celui de l’orchestre. Il fallait l’excellence d’un ensemble comme les Métaboles pour interpréter cette métamorphose.

Last, but not least : les quatre mouvements du Concerto pour chœur, d’Alfred Schnittke, d’une durée de 45 minutes environ. Dans la tradition orthodoxe russe, « concerto » est à comprendre comme « motet » ou « cantate ». Le texte : le Livre des lamentations du moine et poète arménien Grégoire de Narek (951-1003), dans la traduction russe de Naum Grebnev. Attention, ici préside l’excès, de la méditation à l’incantation et de la confidence à la transe mystique, avec des crescendos et des tutti très puissants, les très beaux mélismes de voix solistes s’envolant au-dessus de la masse (la soprano Maya Villanueva, le ténor Marco Van Baaren), des vagues successives d’intensité croissante ou encore le « chagrin noir » d’une prière instante. Lui-même très recueilli, l’ensemble des choristes rend parfaitement le lyrisme, la dramaturgie et la dévotion qui sous-tendent cette pièce spirituelle de bout en bout. L’espace de la basilique aura offert tout au long de la soirée (en tout cas dans les premiers rangs) l’espace qu’exige cette musique chorale.

Le généreux Léo Warynski annonce en bis le deuxième des Trois Hymnes sacrés (1984) du même Schnittke. Merci, Maestro !

Du grand art, servi par des Métaboles en pleine forme.

Resmusica - Patrick Jézéquel
 - Symphonie chorale

Du grand art, servi par des Métaboles en pleine forme.

Resmusica - Patrick Jézéquel - Symphonie chorale

« Symphonie chorale » à Vézelay : Les Métaboles voient grand !

Après la Passion selon Saint-Matthieu, rendez-vous de nouveau à la basilique Sainte-Madeleine, dans le cadre des Rencontres musicales de Vézelay, pour une folie chorale embrassant quatre siècles de composition, avec des pièces de Thomas Tallis, Gustav Mahler transcris par Gérard Pesson, Alfred Schnittke et Francesco Filidei. Du grand art, servi par des Métaboles en pleine forme.

Très finement pensé, le programme est bâti sur des liens solides et parfois secrets. C’est ce que révèlent Léo Warynski et Guy Gosselin, réunis autour d’Emmanuelle Giulani à la traditionnelle « mise en oreille » qui précède le concert. Pont entre les époques, ce dernier dégage des connexions entre œuvres et musiciens, joués ou non ce soir : la pluralité des chœurs dans le Spem in alium (date inconnue) de Thomas Tallis (c. 1505-1585) et Tutto un una volta (2020) de Francesco Filidei (né en 1973) ; l’inspiration que ce dernier puise dans le Lux æterna de György Ligeti ; le « polystylisme » de  Gustav Mahler (1860-1911) et d’Alfred Schnittke (1934-1998), compositeurs empruntant à des sources diverses ; enfin, les multiples affinités tissées par Gérard Pesson (né en 1958) transcrivant dans Kein Deutscher Himmel (1996-1997) l’Adagietto de la Symphonie n°5 (1901-1902) de Mahler. Précisément, pour Pesson, qui, dans un entretien portant sur le travail de transcription, cite le nom de Salvatore Sciarrino, par parenthèse l’un des anciens professeurs de composition de Francesco Filidei, « un compositeur n’est jamais né sous X. ». Il ne faudrait pas oublier les racines slaves d’un chef de chœur qui au menu a inscrit comme plat de résistance le Concerto pour chœur (1984-1985) de Schnittke. Voulue comme telle par Léo Warynski, cette soirée joue ainsi sur le double tableau de l’invention et de la mémoire afin que les auditeurs vivent quelques chocs sans avoir perdu tout repère.

Les Métaboles forment un cercle complet sur la scène avant d’entonner le Spem in alium à 40 voix de Tallis. Il faut imaginer les chanteurs placés devant dos au public. Hommes et femmes alternent par petits groupes de 2 ou 3. Donc une spatialisation particulière pour un morceau qui ne l’est pas moins, écrit pour 8 chœurs et 5 voix sur des paroles latines dont l’origine est le Livre de Judith. Cette composition contrapuntique exprime une supplication adressée à Dieu, émise tout d’abord très humblement par deux sopranos et enflant progressivement en contaminant tous les registres. Une longue phrase qui s’étire, s’enrichit, se découpe et redouble en cellules rythmiques, se meurt avant d’être reprise en crescendo pour éclater en tutti sur des mots d’importance tels que Deus meus. L’auditoire se trouve enveloppé dans un long continuum en perpétuel changement et rarement interrompu. La délicatesse et la ferveur d’une telle pièce sont parfaitement rendues par les chanteurs.

De père anarchiste et de mère catholique pratiquante, Francesco Filidei, lui-même organiste notable, a donc hérité de cette double tradition, ce qui se ressent dans sa production musicale, comme ici avec Tutto in una volta – « Tout à la fois » – inspiré d’un texte du poète avant-gardiste Nanni Balestrini (1935-2019), « Ma noi facciamone un’altra » (1966), que l’on peut traduire par : « Mais essayons encore une fois ». Calquant sa composition sur un poème déstructuré qui rejette lyrisme et narration (« Il n’y a plus / De temps pour / Mais tout / En à la / Fois ce que / Nous nous sommes / Déjà dit / Comme ça sur / Le papier / Tout à / La fois…), Filidei joue sur ce qui reste, des syllabes, en plaquant « des séries d’accords qui font muter légèrement la couleur à chaque instant dans un kaléidoscope d’images. » On commence par entendre des « ah » murmurés ici et là dans tout le chœur nous faisant face, au très bel effet de bulles crevant à la surface d’une mare, puis ce qui ressemble très fortement au début du Lux aeterna de Ligeti, également chœur mixte a cappella écrit en canon et dans une micropolyphonie évoluant imperceptiblement. La vague enfle lentement, la tension baisse puis s’amorce un long decrescendo jusqu’au retour des « ah » initiaux. Il est difficile d’oublier Ligeti et d’apprécier à la même hauteur ce Tutto in una volta pourtant réussi.

La même difficulté se présente à l’oreille, fidèle mais naturellement paresseuse, à l’écoute du Kein Deutscher Himmel de Gérard Pesson, transcription de l’Adagietto de la Symphonie n°5 de Mahler : peut-elle oublier le modèle ? Mais le poil se hérisse et des picotements parcourent le corps aux premières mesures, quand résonnent piano les voix souples des altos reprises en solo tout à droite de la scène par celle très timbrée de Laura Muller. C’est beau à pleurer. Tout en respectant la partition originale, le compositeur a cherché à reproduire l’univers acoustique très riche et subtil de la lagune de Venise, non seulement grâce à la complicité de Martin Kaltenecker, qui a ajouté des extraits des Sonnets vénitiens ainsi que du Journal du poète romantique allemand August von Platen (1796-1835), mais aussi et surtout par la fine variation des timbres et le recours aux aigus extrêmes d’une soprano (Anne-Laure Hulin, magistrale) afin de contourner l’inévitable réduction de l’ambitus du chœur par rapport à celui de l’orchestre. Il fallait l’excellence d’un ensemble comme les Métaboles pour interpréter cette métamorphose.

Last, but not least : les quatre mouvements du Concerto pour chœur, d’Alfred Schnittke, d’une durée de 45 minutes environ. Dans la tradition orthodoxe russe, « concerto » est à comprendre comme « motet » ou « cantate ». Le texte : le Livre des lamentations du moine et poète arménien Grégoire de Narek (951-1003), dans la traduction russe de Naum Grebnev. Attention, ici préside l’excès, de la méditation à l’incantation et de la confidence à la transe mystique, avec des crescendos et des tutti très puissants, les très beaux mélismes de voix solistes s’envolant au-dessus de la masse (la soprano Maya Villanueva, le ténor Marco Van Baaren), des vagues successives d’intensité croissante ou encore le « chagrin noir » d’une prière instante. Lui-même très recueilli, l’ensemble des choristes rend parfaitement le lyrisme, la dramaturgie et la dévotion qui sous-tendent cette pièce spirituelle de bout en bout. L’espace de la basilique aura offert tout au long de la soirée (en tout cas dans les premiers rangs) l’espace qu’exige cette musique chorale.

Le généreux Léo Warynski annonce en bis le deuxième des Trois Hymnes sacrés (1984) du même Schnittke. Merci, Maestro !

2023

août

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