Irradiantes métamorphoses musicales à Metz
Artistes en résidence à la Cité Musicale de Metz, Léo Warynski et son ensemble vocal Les Métaboles referment leur saison lorraine avec un programme, Métamorphoses, qui, avec le violoncelle de Marc Coppey, propose une parenthèse extatique nourrie d’échos entre les répertoires. Dans la salle de l’Arsenal, à l’acoustique boisée idéale, plébiscitée à juste titre pour les enregistrements discographiques, les accords du Prélude de la Suite n°2 pour violoncelle de Bach avec lesquels s’ouvrent le concert plongent d’emblée dans un recueillement évident, porté par la concentration d’un jeu qui, dans une définition sonore parfaitement calibrée, n’a nul besoin d’effort pour rencontrer l’auditeur. La réponse que développe la transcription pour violoncelle et chœur de la Chaconne de Bach par Noriko Baba fait entendre une métamorphose contemporaine d’une des plus célèbres pages pour violon sur le texte d’une cantate du Cantor de Leipzig, Christus lag in Todesbanden, BWV 4. A rebours des usages habituels dans l’accompagnement instrumental de l’écriture vocale, le phrasé vocal, sur un tempo ample, prend l’allure d’un écrin décanté pour la volubilité mélodique du violoncelle. Ce n’est que vers la fin de la partition, sur des paroles de louange, que l’équilibre se renverse vers un lumineux frémissement de la ligne de chant. L’intériorité des mots liturgiques est renforcée par celle d’une tessiture plus grave que le violon et d’une patine de l’intention expressive qui se substitue aux brillants chatoiements originels.
Commande passée à la compositrice japonaise pour ce programme, Ondes II, également pour violoncelle et chœur, déploie une mosaïque de gestes sonores sur des Caligrammes d’Apollinaire. Ce parcours poétique à l’apparence éclatée et hétéroclite, où les écholalies syllabiques voisinent avec sifflets et appeaux, distille une ivresse ludique nourrie par un authentique pouvoir évocateur et la précision des pupitres des Métaboles. La netteté des attaques se conjugue à une souplesse soyeuse et aérée des textures, façonnant ainsi la lisibilité du mot et de sa couleur qui est l’une des qualités reconnaissables de l’ensemble que l’on retrouve dans les deux opus de John Taverner.
Une beauté chorale extatique
Pour chœur seul sur un poème de Blake, The Lamb cisèle une ferveur feutrée avec, à la fin de chacune des deux strophes, des modulations délicates aux vertus hypnotiques que prolonge Sviaty. Sur la lente pulsation du violoncelle isolé en hauteur dans les tribunes arrière de la salle, avec un sens de la scénographie acoustique, le chœur décline des boucles liturgiques en slavon, dont les répétitions font glisser l’auditeur dans une sorte d’apesanteur quasi mystique. La transcription chorale sur les paroles de l’Agnus Dei par Barber de son Adagio pour cordes s’inscrit dans cette veine extatique, magnifiée par la sensibilité de l’étagement polyphonique sous les mains vigilantes de Léo Warynski. Le voyage se referme avec l’œuvre qui donne son nom au concert. Cycle de sept mélodies pour chœur et violoncelle sur des textes de détenus écrit dans le cadre d’une résidence artistique, Métamorphoses de Philippe Hersant propose un condensé d’humanité que fait irradier l’excellence engagée des interprètes. Au fil des témoignages poétiques sur le thème des quatre saisons réalisés par les prisonniers au cours d’ateliers d’écriture, l’album fait entendre, dans une belle palette modale, le tic-tac de l’attente, le frémissement ou la tension de l’impatience, parfois la souffrance, une mélopée solitaire, mais encore le voile aérien de l’espoir ou celui des ailes d’un oiseau qui a peut-être le mieux inspiré le compositeur. Si Léo Warynski et Les Métaboles se sont distingués depuis leurs débuts il y a une dizaine d’année par une construction soignée de leurs programmes, la magie sonore de Métamorphoses marque une étape supplémentaire dans l’accomplissement d’un des projets artistiques les plus remarquables de la scène musicale d’aujourd’hui. On attend désormais les reprises et la gravure discographique de ces Métamorphoses.