Les Métaboles de Léo Warynski s’emparent pour la première fois de la partition du Maître italien.
Si l’on en croit Eschyle, Io aurait rencontré Prométhée, enchaîné, tandis qu’elle errait pour échapper à la jalousie vengeresse d’Héra. Pour façonner le livret de Io, frammento da Prometeo, Massimo Cacciari reprend des fragments de ce drame, auxquels il mêle des extraits du Chant du destin d’Hölderlin.
Mais lorsque Luigi Nono s’empare de la matière textuelle, il la dépouille de toute intention narrative et l’exploite pour son potentiel sonore, estimant qu’« en musique, seuls peuvent parler les sons ».
En 1975, Nono esquisse le projet de Prometeo – tragedia dell’ascolto(« Prométhée – tragédie de l’écoute ») qui l’occupera pendant une décennie : une vaste méditation sans décors, sans costumes, sans personnages ni narration, qui absorbe totalement la représentation dans le discours musical. Le compositeur italien dénonce là les conventions de l’opéra où le chant, en illustrant la dimension scénique, disperse l’attention du spectateur au détriment de son écoute. S’opposant à cette perception déterminée par le regard, que la disposition frontale dirige dans une seule direction, il conçoit son oeuvre comme un archipel où l’oreille de l’auditeur est invitée à se déplacer, comme si elle naviguait entre des îles. Créée le 24 septembre 1981 dans la Cité des Doges, Io est ensuite intégrée à l’« Isola seconda » de Prometeo. Mais si Nono confronte la prêtresse aimée de Zeus au Titan qui défia les dieux, c’est également parce qu’il voit dans ces deux personnages des figures emblématiques de la quête et de l’errance. Io incarne de surcroît le « choix entre une existence équilibrée, pensée, sûre, et une existence problématique, inquiète, angoissante aussi – même avec des moments de joie intense –, une existence ouverte à toute expérience, à toute connaissance ». Nul doute qu’il incite son public à élire la seconde option, celle où l’écoute devient l’enjeu d’une conscience éveillée.
IO, FRAMMENTO DAL PROMETEO
Luigi Nono
Massimo Cacciari, livret
Extraits d’Eschyle, Euripide, Hérodote, Friedrich Hölderlin, Pindare, Sappho
Les Métaboles (15 chanteurs)
Ensemble Multilatérale
Susanna Andersson, Raphaële Kennedy, Adèle Carlier, sopranos solos
Matteo Cesari, flûte
Bogdan Sodyrenko, clarinette
Experimental studio SWR, électronique
Léo Warynski, direction