Le Jardin vocal de Léo Warynski
Dans son dernier enregistrement, le musicien dirige son ensemble les Métaboles dans un programme odorant et coloré. A écouter sans modération
« Le programme d'un disque ou d'un concert devrait toujours être harmonieux, parfumé et accueillant comme le plus beau jardin », confie Léo Warynski. A fortiori quand il est tissé d'une guirlande de pièces évoquant la nature, enivrante, apaisante ou, parfois, inquiétante.
Le dernier enregistrement du jeune chef à la tête de son ensemble les Métaboles s'ouvre par la transcription pour choeur, signée Thierry Machuel, du "jardin féérique" de Maurice Ravel. « Ce fut le point de départ du projet, la première étape du parcours, explique Léo warynski. Ensuite, de manière libre, j'y ai associé des partitions qui me tiennent à cœur comme les Trois chansons, également de Ravel, qui comptent parmi ses plus extraordinaires créations »
Passant d'un sentier ombreux à une allé ensoleillée, d'une clairière à une fontaine, l'auditeur-promeneur croise Benjamin Britten ou Camille Saint-Saëns. Du premier "L'Hymne à sainte Cécile" sur un poème mystérieux et sensuel d'Auden ou les "Flower songs" aux fragrances entêtantes ; du second, des romances aimables et caressantes « je serai heureux de contribuer à mieux faire apprécier Saint-Saëns, qui n'a pas toujours bonne presse. Il a eu le malheur d'être le contemporain de génies visionnaires – Berlioz, puis Debussy - , qui, par comparaison, lui ont valu une réputation d'académisme ».
La tentation est puissante d'associer aux voix des Métaboles le vocabulaire réservé aux essences rare : texture délicate rehaussée de teintes éclatantes, brillant et flexibilité, raffinement, opulence, griserie et fraîcheur... « Nous cherchons à développer la palette la plus variée et la plus expressive. Un travail qui passe par l'appropriation intime du texte de chaque pièce. Sa signification globale mais aussi la « personnalité de chaque mot, de chaque syllabe... » Et d'expliquer comment la sonorité de la finale « or » de « trésor » doit se distinguer de celle du « ort » de la « mort ».
Depuis l'Alsace où il réside durant le confinement, Léo Warynski s'attache à ne pas perdre le contact physique avec la musique. « Je prends mon violoncelle et nous jouons en duo avec mon père, guitariste. Moments tout simples, moments magiques ». Il préserve aussi le contact avec ses amis des Métaboles et pense aux projets à venir : autour de la musique ancienne puis, en janvier 2021, du Requiem du compositeur italien Francesco "Filidei", dont il assurera la création avec l'Ensemble Intercontemporain. Il détaille aussi avec émotion un programme auquel il tient particulièrement : le Britanique Jonathan Harvey y est mis en regard avec des maîtres du passé comme Byrd, Purcell mais Palestrina. « La dernière œuvre de Harvey, avant son décès en 2012, est une magnifique Annonciation, écrite sur un thème issu du "Stabat Mater" de Palestrina. Quel symbole ! »