De Palestrina à Jonathan Harvey, en passant par William Byrd et Henry Purcell, ce nouvel opus discographique des Métaboles, The Angels, mené sous le regard expert de son fondateur Léo Warynski, est fondamentalement dédié au célèbre compositeur britannique disparu en 2012.
Les premières notes de cette programmation font écho à l’une des caractéristiques propres de l’écriture musicale du maître contemporain, l’interprétation choisie pour l’Ave verum corpus de Byrd atténuant toute dualité au profit d’une lévitation spirituelle inscrite au coeur d’une pleine communion d’un ordre supérieur. Son ancrage dans la musique sacrée anglicane et le plainchant dès ses premières œuvres de jeunesse, puis son implication dans l’activité musicale de la Cathédrale de Winchester au début des années 80, marqueront profondément Jonathan Harvey, particulièrement intéressé par une réflexion alliant inspiration et spiritualité. Léo Warynski fait donc le choix d’accorder les seize chanteurs a cappella selon les aspirations mystiques du compositeur britannique, et cela même si les ouvrages ne sont pas de son fait ni de son époque.
Ce sera ainsi le même parti pris pour Remember not, Lord, our offences de Henry Purcell qui sera traité selon une approche similaire : celle d’une lévitation des textures sonores, métaphore de la grandeur spirituelle chrétienne, que la basse continue initiale ne pouvait qu’encrer dans le réel. Pour Giovanni Pierluigi da Palestrina, c’est le double chœr du Stabat Mater qui est sous l’emprise de la plénitude d’Harvey, les voix se modelant pour une consistance pleine et fusionnelle sans contrastes marqués. Les choix de Léo Warynski sont risqués, mais fonctionnent admirablement selon ce fil conducteur particulièrement intellectualisé, et surtout ancré au cœur même d’une écriture musicale contemporaine. Entre I love the Lord, Come, Holy Ghost, Plainsongs for peace and light, extraits du Livre des Psaumes, Remember, O Lord, ou encore The Angels qui donne le titre à ce disque, le choeur évolue selon des compositions variées de Jonathan Harvey : du plain-chant à seize solistes, de cinq voix mixtes à un double choeur… La performance des Métaboles est aussi irréelle que cette conduite temporelle extatique menée d’une main de maître par Warynski durant ces quarantecinq minutes de musique. Mais comme souligné précédemment, on est loin de la contemplation : la démarche est complexe, rigoureuse et précise, positionnant l’auditeur dans une concentration que ce format court discographique rend véritablement rendre possible.
Les gestes musicaux sont intégralement mis au service d’une conception spirituelle, le temps et l’espace sortant des codes habituels, les mélodies et les harmonies en devenant d’une luminosité monumentale, chaque composante compositionnelle et interprétative s’éclairant mutuellement. La transparence des textures sonores portée dans une fusion des voix superbe, la flexibilité idéale dans la conduite des voix pour porter une pensée artistique complexe… Entre rationnel et mystique, entre intellectualisation et intuition, la voix des anges des Métaboles se met au service d’un disque magistral.