En un an de musique confinée et de concerts annulés, Les Métaboles ont réussi le pari de sortir un disque. Un défi pour un chœur de chambre qui préférera toujours le concert pour faire briller la lumière de ses voix. Leur dernier né, The Angels, est pourtant une illumination.
Rares sont les ensembles vocaux qui peuvent faire entendre autant de genres différents en gardant à chaque fois la même exigence. Depuis dix ans, Les Métaboles cultivent un savoir-faire qui les a amené au sommet de leur art en 2020, avec un enregistrement éblouissant consacré aux Jardins féeriques des compositeurs du XXème siècle.
Le répertoire a capella est leur domaine privilégié, et les programmes originaux concoctés par leur chef Léo Warynski, leur marque de fabrique. Sur la lancée de leur dernière sortie, ils nous offrent cette année The Angels, une rêverie lumineuse enregistrée à l’abbaye de Royaumont (Val-d’Oise), un très saint lieu de la musique vocale. Dans les rayonnages d’un disquaire, la jaquette n’attire pas forcément l’œil, mais une fois le disque dans la machine, c’est un univers fascinant qui s’ouvre à nous. Si si, on vous assure !
Pour un chœur de chambre aussi fin et précis, les hauts-parleurs de nos salons sont des persiennes à travers lesquelles nous ne sommes autorisés qu’à deviner les contours d’une musique faite pour être jouée toutes fenêtres ouvertes, dans la pleine acoustique d’une église ou d’un auditorium. Depuis un an, nous avons appris à nous contenter de cette obscurité, ne recevant du monde musical qu’une ombre projetée, aussi fidèle que la résolution de notre matériel d’écoute le permet.
Il y a en ce moment un risque réel pour la musique et en premier lieu pour la musique vocale a capella, dont l’expérience est étroitement liée à la définition des timbres, dans un espace en trois dimensions. Dans cette étroitesse imposée par le disque, Léo Warynski et ses chanteurs arrivent néanmoins à nous faire parvenir un peu de lumière, par la force de leurs voix assemblées. Dans cet effort, ils sont bien aidés par l’acoustique parfaite de l’abbaye de Royaumont où ils sont en résidence.
Le répertoire
La lumière de The Angels est un assemblage dont la musique de Jonathan Harvey, compositeur contemporain anglais, est le fil rouge. L’esthétique est fascinante, alliant le chant grégorien simple et hypnotique au kaléidoscope des harmonies modernes. Il résulte de ce mélange une musique d’une grande majesté, qu’on écoute comme on regarde un vitrail dans une église : à chaque pas, on y découvre une lumière nouvelle. L’oreille y fonctionne comme la rétine en éclairant chaque accord de l’impression persistante de celui qui précède. On sort de l’écoute de ce disque avec une sensation curieuse, une sorte de doux éblouissement dont il faut quelques minutes pour se remettre. À la voix des anges, la musique contemporaine vient prêter un peu de son mystère, et on resterait bien en leur compagnie quelques minutes de plus. On sort de l’écoute de ce disque avec une sensation curieuse, une sorte de doux éblouissement dont il faut quelques minutes pour se remettre.
C’est pour qui ?
Si vous découvrez Les Métaboles, nous vous conseillerons plutôt de commencer avec leur deux dernières parutions, le Jardin Féérique et Une Nuit américaine, plus accessibles et tous les deux très réussis. Car The Angels s’adresse aux passionnés de musique vocale en premier lieu. Aux nostalgique de ces moments magiques où le son arrive de partout, enveloppant le corps entier dans un mystère acoustique, dont seules les églises ont le secret.
À ceux-là, The Angels apporte une évocation, un souvenir lointain gravé à plat sur un disque. Dans ces conditions, il faut aussi avoir l’habitude du langage contemporain, sans quoi on ne profitera pas autant de l’expérience. Pour les oreilles moins habituées à cette esthétique, quelques pièces baroques (Purcell, Palestrina) ramènent en terre familière.
Une ponctuation bienvenue pour laquelle l’acoustique de l’abbaye de Royaumont semble faite sur mesure, notamment dans ce surprenant Stabat Mater de Palestrina en double chœur. Dans cette disposition, il nous manque néanmoins les trois dimensions de la mise en espace, indispensable pour profiter de l’effet sonore. On attend vivement le concert…
Pourquoi on aime ?
- Pour l’ensemble du travail des Métaboles, dont au moins les trois derniers disques sont vraiment magnifiques !
- Pour la qualité vocale des interprétations, qui rendent à la musique a capella les trois dimensions qui manquent parfois au format disque.
- Pour le répertoire qui alterne avec intelligence les répertoires ancien et moderne pour une expérience quasi-mystique…